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La fenêtre de Siméon Flower
15 février 2018

Bal de nuit, un moment à Port des Canonge

Samedi matin.
Comme d'habitude, je pars en mer avec Pep, Tolo et tous les habitués. Les filles sont là, bien habituées à ma présence. Ces sauvageonnes se méfiaient de moi au début mais mon désir de m'intégrer et d'apprendre vite leur langue, les a apprivoisées. Elles ne me lâchent plus d'une semelle, bien que pieds nus sur le bateau. Elles veulent tout savoir, me bombardent de question, rient de mes réponses quand les mots se bousculent. Elles ouvrent de grands yeux ou éclatent de rire, posent une main sur mon épaule ou tournent la tête pour se laisser coiffer par le vent.
Elles sont magnifiques.
Pep, le frère de Tolo, s'approche, vient s’asseoir près de moi, à même le pont.
-Ce soir, c'est la fête à B..., ça te dirait de venir ?
-Et on irait comment ?
-Par la montagne, à pied !
Il éclate de rire.
-Comment ça, à pied ? La nuit ? Dans le noir ?
-Ce soir, il y aura la lune pour nous guider. Ça te fait peur ?
Je lui retourne un regard qui marque mon irritation.
-Il y a un chemin ? Il me semble qu'il n'y en a pas...
-Il y a celui des chèvres, on y arrive facilement.
-De jour, je n'en doute pas, mais de nuit ?
-Tu feras comme les chèvres, tu ouvriras grand les yeux !

Nous avons bien pêché ce matin.
Les filles m'ont félicité d'avoir capturé une vive superbe. Avec les précautions qu'ont prises les autres, je me suis rendu compte que c'était un animal particulièrement dangereux mais délicieux ! Le poisson a été neutralisé tranquillement par le vieux Pep puis remisé dans un coin.

Ce midi, je me suis régalé de ma prise matinale. Du riz bien sûr, de l'eau et du vin, quelques fruits. Le bonheur des choses simples.

Ce soir, je pars avec Pep. Nous discutons d'abord côte à côte. Le chemin se rétrécissant, nous sommes contraints de nous mettre l'un derrière l'autre. Très souvent, nous nous agrippons aux branches ou aux racines aériennes. Mon compagnon a le pied sûr des hommes de montagne, je le suis beaucoup moins. J'écarquille les yeux de toutes mes forces. Cela me fatigue plus que la marche en elle même. Il nous faut deux bonnes heures pour atteindre les abords du village. La musique se fait une peu plus présente à chaque pas.
Il fait doux, l'air de la mer se parfume en flirtant avec la végétation.

Que dire de la fête ? Quelques jeunes gens dansent et s'amusent dans leur coin. Les aînés s'animent autour de leurs verres, laissant de temps s'échapper un éclat de rire. Une fête locale tout à fait normale.
-Tu es français ?
-Heu...Oui !
-Je suis anglaise !
Des mots tout simples qui rompent un peu le ronron des conversations. Nous parlons un bon moment dans notre coin.
-Ce matin, je t'ai vu sur le bateau... Tu pêchais ?
-Ben oui.... (Ici, on n'est sur un bateau que pour pêcher!).
Et les mots s’enchaînent ; elle m'a vu, moi non. Elle me parle, je suis maladroit dans mes propos. Elle me questionne, je réponds maladroitement.
Elle a de beaux yeux. Elle fixe les miens.
-Tu as de beaux yeux !
Je suis planté, immobile !
Le « T'as d'beaux yeux, tu sais... » me cloue sur place.
Je ne sais pas si les musiciens jouent encore...
Je ne sais plus comment je m'appelle...

Il fait doux, l'air de la mer se parfume en flirtant avec la végétation.

Nous sommes sur le chemin du retour, Pep ouvre la marche. Il ne parle pas, à peine quelques mots pour m'éviter un faux pas, ou esquiver une branche.
Je me sens si léger, si heureux. J'ai envie d'écarter les bras et de m'envoler, de planer jusqu'à la mer, là, tout en bas, qui m'invite et semble m'appeler... Des petits éclats de lune qui se perdent entre les vaguelettes et les clapotis...
La nuit est belle.

Pep me laisse à la porte de la maison. Porte est un mot vide, puisqu'il n'y a pas de porte. A peine un rideau de coquillages qui chante toute la nuit.
Je me couche et m'endors de suite.

Janine chante dans la cuisine. Je me lève doucement, enveloppé d'un nuage encore tiède.
-Janine ! On est le matin ou le soir ?
Éclat de rire.
-Le matin !!!
Éclat de rire.
Et je me recouche jusqu'au soir...

BLOG barque mallorc

 

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La fenêtre de Siméon Flower
  • Un échange de trousseaux de clefs amena un jour Siméon Flower en un endroit connu de lui seul. A l'aide des aiguilles du temps et d'une pelote d'amitié, il s'amusa à tricoter des mots au hasard. Une phrase à l'an droit, une autre à l'an vert.
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